Montréal.

Je vous écris de Montréal. Une surprise pour tout le monde et surtout pour moi. Sorti en hélicoptère pour un problème visuel mystérieux.

Mais après vous avoir fatigué avec de belles photos himalayennes, je crois que vous méritez une mise à jour.

Disons que le tout a commencé sur les chapeaux de roues et a continué tout le long du trek. J’ai rarement eu autant de difficulté juste pour me rendre camp de Base d’Everest. Du début à la fin, j’ai été malade : gastro-entérite, rhume, sinusite, débuté des antibiotiques, descendu à Pangboche pour me soigner, etc. J’ai ainsi manqué une rotation d’acclimatation à Lobuche Peak qui m’a bien fait mal au coeur. (Chapeau au reste de la gang qui se sont initiés à l’alpinisme et qui semblent avoir apprécié! Quelle belle montagne,! Bravo!).

ENFIN, la montée jusqu’au C1 a bien été. Après tous les petits bobos, c’était la première fois depuis le départ que je me disais, que finalement, j’avais des chances de faire la montagne.

Traverser le “Icefall” était un beau défi. Pas un si grand défi technique, mais un endroit rempli de pièges. L’altitude se fait sentir de plus en plus et avec les séracs qui nous regardent d’en haut, les ponts de neige, les avalanches, les corniches,… disons que malgré sa beauté, il y a ces dangers. On ne veut pas rester longtemps et se croise les doigts que tout va bien aller…

Quand un bon matin au Camp 2 (6500m), j’ai demandé à Gabriel si lui aussi voyait des taches noires pulsées dans sa vision, il m’a dit non, mais qu’il fallait descendre sinon on aurait froid. En vérité, ça voulait dire « What the f*+k, il faut descendre tout de suite..! ».

De retour au camp de base, les taches noires étaient moins intenses mais persistantes.

Ces taches qui ressemblaient à des mains ne faisaient que s’empirer en altitude. De pousser la machine au Camp 3 aurait été tout un risque. Aggravation? Perte de vision? Rescue au Camp 3 avec tout ce que ça l’implique? Comme mon père m’a dit, c’est peut-être juste que les mains me faisaient signe d’arrêter.

En bout de ligne, malgré tous les experts que j’ai consulté, personne n’avait de diagnostic clair. Hypoperfusion ou hypoxie cérébrale ou corticale, c’est probablement le plus proche qu’on va aller La littérature rapporte des symptômes similaires chez des jeunes en santé en altitude. Des cas isolés de gens qui ont vus des taches, des gens qui ont perdus la vision de manière transitoire, ACV, … Moins « d’oxygène au cerveau » qui semble m’avoir plus affecté que d’autres. Ça va expliquer certains de mes comportements plus tard…

Rien de très rassurant. Malgré le diagnostic pas très précis, où l’on voyait clair est que je ne devais pas continuer mon ascension.

Retour à la maison

Le plus difficile est que malgré tout, j’ai toujours relativement bien été. Pas de coma, pas d’œdème cérébral, pas d’os cassé. Rien de dramatique, juste des scotomes pulsatils en altitude.

Le matin que je suis sorti en hélicoptère, j’étais à terre. Gabriel était positif que j’allais revenir après un check-up du médecin. Mais je savais comment ça allait finir.

Après un an à m’entraîner et à me préparer mentalement, tout est fini. Je peux même dire que ça faisait cinq ans que je me préparais, depuis que j’avais recommencer à grimper. Le Grand Projet a toujours été un 8000m.

Présentement, personne peut me dire ce qui va se passer quand je vais retourner à 6500 mètres+. Les symptômes vont revenir ou pas? Quelqu’un a même lancé l’idée que je pourrais prendre de l’aspirine si je retournait en altitude. Prendre des médicaments anti-migraine? Passer une résonance magnétique?

Lhotse face

Voir la face de Lhotse du Camp 2, je crois que c’est une des plus belles choses que j’ai vu dans ma vie. Je l’avais vu des milliers de fois sur photo. Je l’avais du camp de base de Pumori

Après l’avoir vu de proche, maintenant je la suis sur des sites spécialisés, dans le comfort de mon condo.

Puis malgré tout cela, j’ai l’impression d’avoir laissé tomber le reste de mon équipe. Comme Gabriel m’a dit, c’est le côté cruel de la montagne. L’adrénaline était au fond, on fleurtait avec le risque et j’étais super focus. Là, méga drop. Je suis seul dans mon condo à passer la balayeuse.

Je serai toujours reconnaissant pour Sonam et Rinji, eux qui nous ont aidé durant l’expédition et traversé le Icefall plusieurs fois pour nous, juste pour s’assurer que les Camps 1 et 2 soient installés. Un gros merci aussi à nous cuisiniers, porteurs et tout le monde qui a été impliqué dans le support de notre expédition. Puis Pawan, Danesh et Dee (Everest ER) ont été de super compagnons de camp de base. Merci!

Pas besoin de dire que je remercie Gabriel, mon ami fidèle, guide de montagne et guide dans ma vie. Je suis triste de savoir que cette expérience magique est déjà terminée et ne se répètera pas de si tôt…

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